03/1905 - Lettre de Flore Singer à Albert Ier

03/1905 - Lettre de Flore Singer à Albert Ier

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Transcription

55, avenue Kléber

Mention au crayon 1905

Que ne donnerai-je pas, Monseigneur, pour vous écrire une lettre un peu gentille, un peu amusante et qui vienne vous distraire sur ce rocher fleuri où des devoirs si austères vous absorbent. Mais le moyen ! 

Nous avons ici un temps capricornant et qui me tape terriblement sur les nerfs !

Car ces malheureux nerfs sont encore aussi tyranniques que dans mon jeune temps. 

Et c’est tout de qui me reste de ce temps-là ! O jeunesse ! Que se chante et se traite toute seule tandis qu’on est forcé d’écrire des traités sur la vieillesse ! Je sais bien ce qu’il est dit, dans ces traités : que tous les âges ont leurs plaisirs… Je cherche encore où ils sont, mes plaisirs !

On parle beaucoup d’amour en ce moment, autour de moi ! Il existe des amours de toutes sortes.. et même celui des millions ! Mais ne jetons pas trop avant la sonde !.

Le fils de Meur Léon Fould épouse une opulente autrichienne ; Mme Emile Halphen fait couvrir la cour de son hôtel pour le transformer en salon et y exposer les cadeaux qui pleuvent sur la tête de la fiancée

Elle est restée très innocent la fiancée ! elle regarde à peine les émeraudes, les rubis et les écrins où rutilent les gemmes : c’est un petit déjeuner en vermeil qui la ravit, qui l’exalte, qu’elle va montrer à tous les gens de la maison.

Elle se voit déjà e tête à tête, buvant du chocolat avec son Edouard. Pauvre petite ! 

Elle ne se doute pas qu’il a été l’Edouard de plus d’une autre ! 

Espérons qu’il n’en est pas de même pour Mlle de Richelieu et que son Gabriel n’a pas vécu ce livre « Amant et médecin » d’une précision si inquiétante pour une jeune mariée !

A propos, vous le savez peut-être déjà, vous, Monseigneur, mais moi j’ai été très étonnée d’apprendre pendant une visite que m’a faite Madame Michel Heine, comment son mari ne lui a laissé qu’une très modeste part de sa fortune : l’hôtel lui reste, mais c’est son petit-fils qui hérite de Richelieu..

Et maintenant, Monseigneur, je sais que mes enfants doivent avoir, aujourd’hui même, la joie de déjeuner avec Notre Chère Altesse et que ce n’est qu’u avant-goût des joies plus complètes que vous leur promettez.

Que ne puis-je occuper aussi une petite place sous ce toit princier ! Car voilà que j’envie mes enfants ! Si c’est mal tant pis !... Mais ce qui certainement n’est pas mal c’est de prendre une part dans la reconnaissance émue qu’ils ne cessent de m’exprimer.

Veuillez agréer, Monseigneur, la nouvelle assurance de mont tendre respect.

Flore

Auteur SINGER Flore
Destinataire Albert Ier de Monaco
Langue Français
Nature du document Document écrit manuscrit
Date de création 01/03/1905
Lieu(x) lié(s) France
Fiche vérifiée par Comité Albert Ier
Collection Archives et Bibliothèque du Palais princier de Monaco
Référence de la source APM C 715
Date de mise en ligne 28/04/2023

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