Lettre n°1 - Stéphanie de Hamilton au prince Albert

Stockholm le 25 mai 1885

Monseigneur,

Avant tout je tiens à vous assurer que le bonheur d’être de retour en Suède, n’éloigne pas mes amis d’autrefois, qu’au contraire on aime spécialement à se retrouver avec ceux ou celles qui ont témoigné un peu d’intérêt pour vous et voilà pourquoi je viens déjà vous remercier de de votre lettre du 14 mai.

Je comprends très bien que la vaste nappe d’eau de l’océan vous offre mille fois plus de ressources, pour vos recherches, que l’eau calme et froide de nos lacs et qu’un succès sûr au retour, vous grise d’avance, et puis tous les préparatifs pour ce voyage distraira votre mélancolie.

Quant à faire naufrage sur nos côtes perfides on n’en fait pas, permettez-moi de vous le dire, on a un pilote, et pour les martyrs, vous le savez mieux que moi qu’ils ont la perspective d’être canonisés, donc ne vous plaignez pas !

Pour mon compte je préfère aller à Marstrand pêcher tranquillement des petits poissons ne risquant pas de faire connaissance des baleines à la façon de Jonas.

Hier j’étais à diner à Hasselbacken dans le même appartement que l’été passé ce qui m’a rappelé de très agréables souvenirs.

Vis à vis de ma santé, s’il faut croitre aux compliments, j’ai bonne moine, mais voilà tout, car j’ai peu de forces et elles ne peuvent augmenter par la vie mondaine que je mène ici.

Les « bons voyage » et « heureux retour » vous parait-il des mots, bien banales, mais acceptez les quand même, ils sont sincères. Le Prince, votre fils, sera bien seul pendant votre absence, pauvre petit.

Adieu, au revoir, je vous quitte dans vous quitter.

Stéphanie de Platen