Jules Massenet. Un homme, un prince
Jules Massenet, né le 12 mai 1842 à Montaud, commune de la Loire, aujourd’hui quartier de Saint-Etienne est un musicien important dans l’histoire de la vie artistique à Monaco au temps du prince Albert Ier. Le succès est rapide pour Massenet, après un 1er Prix de piano en 1859, il gagne le 1er Grand Prix de Rome en 1863 et passe deux années à la Villa Médicis. La rencontre avec Georges Hartmann qui sera son éditeur et son mentor, ainsi qu'une commande de l'Opéra-Comique, sont décisives pour sa carrière. En 1867, il crée sa première œuvre lyrique. La Grand’ Tante. Il entretiendra une amitié permanente avec de nombreux artistes dont Franz Listz. Les liens entre Massenet et la principauté de Monaco sont nombreux à la Belle Époque. Ils s’expriment notamment dans son amitié avec le prince Albert Ier, fortifiée par leurs relations à l’Institut. Massenet est élu à l’Académie des beaux-arts dès 1878, le prince Albert Ier, déjà correspondant dans la section de géographie depuis 1891, devient quant à lui membre associé de l’Académie des sciences en 1909. De fait, les dix dernières années de la vie créatrice de Massenet sont intimement liées à Monaco. À partir de 1902, l’opéra de Monte-Carlo accueille régulièrement les créations de Jules Massenet (1842-1912) : d’abord Le Jongleur de Notre-Dame, œuvre dédiée au prince, puis Chérubin en 1905, Thérèse, en 1907, et Don Quichotte en 1910, un de ses plus grands succès – avec un rôle-titre chanté par Chaliapine.
Lorsqu’en février 1902, il est, avec son épouse, l’hôte du prince Albert Ier au palais de Monaco, le compositeur écrit dans son journal : « Quelle existence à l’antipode de celle que nous quittions ! Nous avions laissé Paris, le soir, enseveli dans un froid glacial, sous la neige, et voilà que, quelques heures après, nous nous trouvions enveloppés d’une autre atmosphère !... C’était le Midi, c’était la belle Provence ; c’était la Côte d’Azur qui s’annonçait ! C’était l’idéal même ! C’était, pour moi, l’Orient, aux portes presque de Paris !... Le rêve commençait. Faut-il dire tout ce qu’eurent de merveilleux ces jours passés comme un songe, dans ce paradis dantesque, au milieu de ce décor splendide, dans ce luxueux et somptueux palais, tout embaumé par la flore des tropiques ? […] Mais ce qui dépassait, en cette fastueuse ambiance, tout ce qui nous parlait aux yeux, ce qui allait à l’âme, c’était la haute intelligence, cette bonté sereine, cette exquise urbanité de l’hôte princier qui nous avait accueillis ».
Les liens avec le prince Albert Ier se fortifient par leurs relations à l’Institut de France. Massenet est élu à l’Académie des beaux-arts dès 1878. Correspondant depuis 1891, Albert Ier devient, quant à lui, membre associé de l’Académie des sciences en 1909.
Le 29 mars 1910, est inauguré le Musée océanographique de Monaco, conçu par le « prince savant » comme un temple dédié à la mer et un mémorial de ses campagnes océanographiques menées depuis 1885. À l’issue de cette journée festive, Massenet porte un toast au nom de l’Académie des beaux-arts, qui salue avec emphase Albert Ier comme « Prince de lumière, Prince de concorde, Prince de science et d’art, Prince utile. »
Sollicitées par le souverain, trois œuvres nouvelles ponctuent la solennité de l’inauguration : Ouverture de fête, de Camille Saint-Saëns (1835-1921), La Nef triomphale, de Jules Massenet et une Marche inaugurale, de Léon Jehin (1853-1928). Fidèle à sa prédilection pour l’art lyrique, Massenet est le seul à livrer une partition pour voix, exécutée par l’orchestre et les chœurs du casino de Monte-Carlo. Cette pièce, dont les strophes du poète et académicien provençal Jean Aicard (1848-1921) chantent la gloire du prince explorateur, semble être celle qui a le plus impressionné l’assistance.
Fortement liée à la circonstance de sa création, La Nef triomphale n’a sans doute pas été exécutée depuis, et la partition complète semble avoir disparu chez l’éditeur Heugel. Dans le cadre du centenaire de la disparition du prince Albert Ier, la réflexion menée par Didier de Cottignies, directeur artistique de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, et le Comité de commémoration « Albert Ier-2022 », a amené à la commande d’une édition moderne au Centre de musique romantique du Palazzetto Bru Zane de Venise. Cette orchestration, effectuée par Alexandre Dratwicki, se fonde sur une copie du manuscrit autographe pour chant et piano, obtenue pour ses recherches par l’historienne du prince Albert Ier Jacqueline Carpine-Lancre (1933-2022).
La nef triomphale a pu ainsi être donnée dans une recréation mondiale, lors des concerts d’été au Palais princier, le 17 juillet 2022.
Pour aller plus loin :
Voir l’article de Jean-Christophe Branger, « ’Prince de science et d’art, Prince utile’ Albert Ier de Monaco et Massenet », Annales monégasques, 39, 2015. https://www.annales-monegasques.mc/content/search?SearchText=massenet
https://www.musicologie.org/Biographies/m/massenet.html
http://www.jules-massenet.fr/biographie/