21/09/1898 - Lettre d'Albert Ier à Flore Singer
21/09/1898 - Lettre d'Albert Ier à Flore Singer
Transcription
APM C/723
12 (au crayon)
Le Havre 21 septembre 1898
(En-tête Princesse Alice)
Chère Madame et amie,
Je suis revenu de ma croisière dans les mers arctiques, ce que je tiens à vous dire avant que vous ne le lisiez dans quelque journal.
Les préliminaires de ce voyage ont été fort intéressants, plus même que qu’on ne pouvait l’espérer. Je vous les raconterai quand j’aurai le plaisir de vous revoir.
Ensuite j’ai gagné les régions polaires où j’ai travaillé pendant six semaines avec succès et sans accident, bien que je sois monté jusqu’à la latitude de 80 °, assez au-delà du Spitsberg. J’avais un brillant état-major de savants français, anglais et allemand qui ont beaucoup travaillé sur terre et sur mer.
A mes heures de liberté, j’ai fait quelques chasses de rennes et de phoques.
Il fait quelquefois une température très basse : la glace et la neige couvraient la terre sur de très grandes étendues, mais un temps idéal et une sécheresse absolue de l’air nous ont permis de traverser les conditions susdites, même de camper dans l’intérieur du pays, pour le plus grand avantage de notre santé.
Je n’ai reçu aucun courrier dont la date fût plus récente que le 25 juillet : par conséquent je suis redevenu un nouveau-né (pour certaines choses).
Néanmoins je sais par plusieurs journaux anglais d’Edimbourg, où j’ai touché il y a trois jours, que des incidents sérieux sont survenus dans l’affaire Dreyfus ; combien il me tarde de savoir où tout cela en est et si la France va bientôt être délivrée de ce cauchemar et des coquins qui l’ont fait naitre.
Je pense que vous êtes maintenant à Neufmoutiers, où je vous adresse ma lettre. Moi, je serai à Paris dans deux ou trois jours.
Croyez-moi, toujours, chère Madame, votre ami dévoué et veuillez transmettre mes meilleurs souvenirs à vos enfants.
Albert