20/08/1914 - Lettre de Flore Singer à Albert Ier
20/08/1914 - Lettre de Flore Singer à Albert Ier
Transcription
N° I Tournan
Seine & Marne
Mention au crayon : vers le 20 aout 1914
Monseigneur,
Je vous ai écrit il y a quelque temps pour vous supplier de me donner de vos nouvelles ; ma lettre est demeurée sans réponse ; peut-être ne vous est-elle pas parvenue ; en tous cas, j’ai eu la consolation de rencontrer votre nom dans un journal avec votre geste magnifique en faveur de la France ; vous l’avez accompagné de quelques paroles dont j’ignore le texte, et qui ne peuvent être que très belles, sorties de vos lèvres ou plus mieux (dit ?), de votre âme.
Que vous devez souffrir, Monseigneur de ce soufflet donné par l’Empereur Ami, à votre idéal !
Et quel soufflet aussi à l’Evangile ! un de nos (ou vos ?) prophètes n’avait-il pas dit que lorsque le Messie serait arrivé, toutes les épées rentreraient dans leur fourreau ?
Le Messie est venu est les épées gardent leur pointe en l’air ; combien de siècles faudra-t-il encore pour que la prophétie se réalise ? … Je demande pardon à votre Altesse de lui dire des choses si banales ; et comment ai-je le courage de prononcer un seul mot ?
Devant la terrifiante partie qui se joue - « Le silence seul est grand. »
Je pense cependant, Monseigneur, vous dire encore que ce que je déplore le plus dans la guerre, c’est qu’elle crie totalement la haine. Il faut qu’on déteste l’allemand pour se donner du cœur au ventre.
Quelle pitié !
Vous n’êtes Dieu merci, ni Français, ni Allemand, ni Russe, ni Monégasque : vous êtes de tous les pays, Monseigneur puisque vous êtes un homme et c’est cet homme que j’aime, que j’admire et que j’embrasse.
Flore