12/1897 - Lettre de Flore Singer à Albert Ier

12/1897 - Lettre de Flore Singer à Albert Ier

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Transcription

55 avenue Kléber (Déc 1897 au crayon bleu)

Monseigneur,

Si la conduite de messieurs Zola et Cheurer-Kestner vous console des lâchetés ambiantes, tenez pour assuré que le cri généreux de votre Altesse, me console à mon tour.

Je n’aurais jamais cru que la France fut capable de tant de mauvaise foi et disons le mot d’iniquité.

Il paraît qu’un juif n’a pas le droit d’être innocent. On nous reproche d’avoir attaqué l’Armée ; mais l’Armée serait-elle au-dessus du Pape, qui d’après la doctrine catholique n’est infaillible que dans les questions de dogmes ?

Serait-elle surtout au-dessus de la justice ?

Reconnaitre une erreur n’est-ce pas se grandir ?

Le Syndicat !.. Tout mon sang ne fait qu’un tour, comme on dit dans le peuple, quand je rencontre le mot blessant. Flétrir d’un mot de langue une campagne de pure justice !

Ah ! les misérables ! Ils savent ce qu’ils font.

En tout cas si la famille du malheureux fait le sacrifice de sa fortune pour sauver l’honneur d’un des siens, quel est celui qui ayant une conscience oserait la blâmer !

Et si des bourses généreuses se sont ouvertes aussi, ce que j’ignore, pour le triomphe de l’innocence, serait-ce là un crime ?

C’est cependant ce qu’on essaie de faire entendre.

La basse presse a fait son œuvre ; la goutte d’eau a entamé le rocher et je vois avec douleur que l’humanité est aussi capable de haine que d’amour.

Non, je ne connais pas Messieurs Zola et Cheurer-Kestner ; mais j’ai bien envie, à moins que vous ne me le défendiez, de leur faire savoir que votre grand cœur a battu avec le leur.

Je n’ai jusqu’à présent sur le dénouement prochain de cette terrible affaire, aucune information particulière mais je crains bien que le jugement ne soit arrêté d’avance.

Les héros sont rares et on a besoin d’être soutenu par l’opinion pour faire quelque chose de grand.

Vous, Monseigneur, vous êtes capable de tous les courages et c’est parce que je vous ai deviné, dès la première heure, que j’ai ressenti pour votre altesse, les sentiments de haute sympathie dont je vous envoie aujourd’hui la respectueuse et bien tendre expression.

Flore

Je me mets aux pieds de la Chère Princesse Alice

Ce samedi soir

Author SINGER Flore
Recipient Albert I of Monaco
Language Français
Document Nature Document écrit manuscrit
Creation date 01/12/1897
Related places France
Approval committee Comité Albert Ier
Collection Archives et Bibliothèque du Palais princier de Monaco
Source reference APM C 645
Publication date 28/04/2023

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